Burkina : « Il est impossible de lutter avec succès contre le terrorisme sans lutter contre la corruption », convainc Sagado Nacanabo

Le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) a partagé son expérience sur le phénomène de la corruption au Burkina Faso, au cours d’une conférence publique animée le samedi 19 août 2023 à Ouagadougou. Selon son secrétaire exécutif, Sagado Nacanabo, dans tous les départements où l’Etat injecte de l’argent, le contrôle doit s’effectuer.

« Ampleur de la corruption au Burkina Faso et ses conséquences politique, sociale et économique ». Tel a été le thème du secrétaire exécutif du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC), Sagado Nacanabo. Dans son développement, il a indiqué qu’aujourd’hui au Burkina Faso, la corruption est un phénomène très préoccupant parce qu’elle a atteint des hauteurs inquiétantes.

Se basant sur le dernier rapport du REN-LAC (2021), le panéliste a fait savoir que plus de 8/10 des Burkinabè pensent que la corruption est très préoccupante et très fréquente. « Sur 3 000 enquêtés, 1 500 disent que la corruption progresse chaque année », a-t-il ajouté.

De son expérience, il a observé que chaque année, il y a au moins une cinquantaine de services qui sont cités mais seulement une vingtaine qui sont classés parce que lorsque les témoignages sur un service ne sont pas suffisants, le REN-LAC ne le classe pas. Il faut être cité plus de 30 fois d’abord.

Sur le plan politique, la corruption engendre une gouvernance défaillante, a affirmé Sagado Nacanabo

Contrôler l’argent de l’Etat

Engagé dans la lutte contre le terrorisme pendant plusieurs années, le Burkina Faso a revu son budget. Au niveau des ministères de la Défense et de la Sécurité, le budget a été doublé, a notifié Sagado Nacanabo. Il est passé de 178 milliards à plus de 350 milliards de francs CFA. « Lorsque vous mettez des sommes importantes d’argent et que vous ne faites pas assortir cela d’un contrôle, il y aura des brebis galeuses qui feront en sorte que ces sommes ne seront pas affectées à leur rôle réel », a-t-il affirmé. A titre d’illustration, le premier responsable du REN-LAC a cité le cas de détournement de l’argent destiné aux Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) et d’autres scandales financiers au sein de l’armée qui ont été révélé par les journaux d’investigation.

Sagado Nacanabo est persuadé que le contrôle vise à éviter que la corruption ne se fasse. « Si on ne peut pas prévenir la corruption, elle va inévitablement se faire. C’est pourquoi nous avons dit qu’il est impossible de lutter avec succès contre le terrorisme sans lutter contre la corruption », a-t-il insisté.

La conférence publique est ouverte après la cérémonie de lancement du cabinet Audace consulting international (ACI)

Juguler le problème de faux

Du côté de l’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC), la machine peine à fonctionner normalement, a fait remarquer Hadjaratou Ouangraoua. En tant qu’agent dans cette institution étatique, elle a relevé plusieurs difficultés qui handicapent le bon fonctionnement de l’ASCE-LC. Elle a cité, entre autres, la méfiance de la population vis-à-vis de l’administration publique, l’insuffisance du personnel de l’ASCE-LC pour effectuer les contrôles et les déclarations d’intérêt et de patrimoine que certaines personnes ne respectent pas.

Selon Hadjaratou Ouangraoua, « 60 à 70% de problème de corruption au Burkina Faso seront résolus, si on arrive à juguler le problème de faux ». Et dans l’optique de solution, un participant à la conférence publique a proposé que des dossiers puissent être traités le même jour. Il a pris l’exemple de la légalisation des dossiers dans les commissariats où tout se passe le même jour devant l’intéressé. Il a également proposé que le REN-LAC et l’ASCE-LC affichent des autocollants avec des messages de sensibilisation devant les services publics.

De gauche à droite : Hadjaratou Ouangraoua de l’ASCE-LC ; François de Salle Bado, fondateur de ACI ; et Sagado Nacanabo, secrétaire exécutif du REN-LAC

Une nouvelle structure pour lutter contre la corruption

Quant au fondateur du cabinet ACI (Audace consulting international), François de Salle Bado, il a recommandé qu’il y ait un dispositif qui va permettre à chaque agent public d’avoir son nom sur son habit afin qu’il soit facilement identifiable.
Cette conférence publique est intervenue à l’occasion du lancement de l’ACI. C’est un cabinet de consultation qui a plusieurs domaines d’intervention dont le droit, la lutte contre la corruption, la doctrine sociale de l’église, l’éducation, recouvrement des créances, la bonne gouvernance et la création d’entreprise.

Selon le fondateur de ACI, c’est un cabinet qui est né pour « non seulement travailler à promouvoir et à faire respecter les droits humains, la dignité de la personne humaine et la corruption ». « Notre bataille consiste à faire qu’au Burkina Faso, nous pussions respecter les droits et la dignité de la personne humaine », a justifié l’inspecteur du travail des lois sociales à la retraite.

Dans sa vision, ACI plaide pour une synergie d’action des structures qui travaillent pour la défense des droits de l’homme pour plus d’efficacité.

Cryspin Laoundiki